PPRI (*) : remettre du bon sens !
Le 18 février dernier, une lettre du Préfet de Lot et Garonne est tombée dans les mairies de la vallée de la Garonne expliquant qu'à compter de cette date
désormais, la crue de référence opposable en matière d'urbanisme n'était plus la crue de 1930 mais celle de 1875. Résultat : le niveau théorique de l'eau en cas de crue est réhaussé à Agen de...
77 centimètres ! Je vous laisse imaginer les conséquences que cela entraine pour les permis de construire en cours et futurs, qu'il s'agisse de projets publics, privés ou sociaux et ce, dans
toutes les communes de la vallée de la Garonne. Maisons individuelles, résidences collectives, entreprises et commerces : tout permis de construire est désormais soumis à cette nouvelle
disposition.
Que l'agglomération soit en train de finaliser son PLU intercommunal (des mois de travail...) n'y change rien. Pas plus d'ailleurs que l'approbation en cours du
(*) Plan de Prévention des Risques d'Inondation de l'Agglo, à l'issue de nombreuses études et enquêtes publiques. Rien de tout cela ne compte face à ce courrier
unilatéral. Non seulement cette affaire est ravageuse pour le temps, l'énergie et l'argent inutilement investis, mais cela crée de surcroît un
obstacle de plus dans un domaine, la construction, qui n'en manque pas et dont les emplois nous seraient pourtant bien utiles en ces temps de crise aigüe.
Suis-je en train, ce faisant, de minimiser le risque de crue à Agen ? Pas un instant : comme beaucoup d'autres, je redoute même grandement la colossale
quantité de neige qui reste aujourd'hui encore dans les Pyrénées et qui pourrait, si elle fond trop vite, se manifester douloureusement à nous ce printemps. Je ne risque d'ailleurs pas
de l'oublier vivant moi-même dans une maison à Agen appelée, un jour, à se retrouver sous l'eau... Mais se souvenir que nous sommes sujets, tous les 100 ans environ, à
d'importantes crues NON TORRENTIELLES (et donc compatibles avec la protection des personnes) est une chose. Une autre est
d'instaurer par un simple courrier unilatéral des normes disproportionnées de construction.
C'est dans ce contexte que l'Agglomération d'Agen a adopté ce jeudi une motion destinée à obtenir des services de l'Etat qu'a minima, une
concertation sereine puisse être menée avec les acteurs locaux sur ce sujet essentiel. Dans ce débat, j'ai voulu témoigner de mon exaspération
qui est largement partagée, à en juger par la réaction de mes collègues maires et élus de l'agglo... On peut être respectueux (et on doit l'être) du travail de l'administration et
dénoncer les situations excessives qui sont créées, surtout lorsqu'elles sont aussi dommageables.
Je reproduis ci-dessous le texte de mon intervention dans laquelle j'ai réclamé dans cette affaire un peu de bon sens. Au moment même où je prononçais ces mots, le Président de la République annonçait à la télévision un "choc de simplification" dans le pays.
Je forme le voeu que les effets de ce "choc" arrivent vite jusqu'à nous.
BL
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Monsieur le Président de l'Agglomération,
La motion que vous soumettez au vote de notre Assemblée se situe au bon niveau et je la voterai des deux mains. Mais je veux y ajouter deux dimensions qui n'ont certes pas à y figurer mais qu'en
tant qu'élu local représentant, au milieu des autres, la population de cette ville, je veux exprimer avec force à cette occasion.
La première, c'est que cette lamentable affaire n'est qu'un avatar supplémentaire d'un mal qui ronge en profondeur et depuis longtemps notre pays : je parle de la sur-administration. C'est un
véritable cauchemar qui frappe indifféremment les collectivités locales, les entreprises et les citoyens dans tous les domaines de la vie quotidienne. Je ne veux pas me contenter de dénoncer
l'incurie préfectorale : veillons bien tous, chers collègues, dans nos mairies, dans notre agglomération, à ne pas en rajouter, nous aussi, une couche, ce qui peut nous arriver parfois, mêmes
animés par les meilleures intentions.
La seconde chose que je souhaite dire est que cette motion ne suffira pas. C'est pourquoi j'appelle ce soir tous ceux qui, à un titre ou à un autre, sont concernés par cette mesure ridicule et
kafkaïenne, à le faire savoir à M. le Préfet. Je les invite à le faire comme cela doit être fait, c'est-à-dire respectueusement, par courrier, en faisant toucher du doigt par nos élites
administratives l'insondable stupidité et les immenses gâchis qu'une telle mesure représente concrètement.
Il faut que la Préfecture croule non seulement sous les délibérations communales et intercommunales, mais il faut encore que les chambres professionnelles, les instances consulaires, mais aussi
chacun des propriétaires immobiliers concernés, chaque artisan du bâtiment de ce département, chacun des partenaires sociaux, témoignent individuellement et directement auprès de la
Préfecture.
Faute pour les services de l'Etat d'avoir, dès le départ tant qu'il en était encore temps, joué le rôle qui aurait dû être le leur, nous avons désormais devant nous un Himalaya administratif à
gravir pour, peut-être, obtenir qu'à côté du sacro-saint principe de précaution qui nous ronge, un autre principe, de temps en temps, prévale : celui du simple bon sens et de la proportionnalité
des précautions prises par rapport au risque.
Mais soyons lucides, mes chers collègues : ce que nous demandons là relève, hélas, d'une révolution culturelle et le chemin sera long pour réparer une bévue qui mériterait d'être très bien placée
au Panthéon des aveuglements administratifs absurdes.