"Same-sex couples should be able to get married"

Publié le par Bernard LUSSET

(les couples de même sexe devraient être autorisés à se marier)

 

Voilà le titre du message que j'ai reçu, comme les 15 254 219 autres abonnés (...!) du compte tweeter du Président des Etats-Unis en début d'année. Autant dire que ce titre m'a interpellé !

 

Qu'a dit exactement Barack Obama ? (pardon pour la traduction, "home made")

 

Aujourd'hui, on m'a posé une question directe et j’ai donné une réponse directe : je crois que les couples homosexuels devraient être autorisés à se marier.  J'espère que vous allez prendre un moment pour regarder cette déclaration, et peser en vous-même cette question de l'égalité du mariage : 
http://my.barackobama.com/Marriage
J'ai toujours cru que les gais et lesbiennes américains devraient être traités avec justice et équité. J'étais réticent à utiliser le terme de mariage à cause des traditions très puissantes qu'il évoque. Et j'ai pensé que les lois sur l'union civile, qui confèrent des droits légaux aux couples gays et lesbiens, étaient une solution.
Mais au cours des dernières années, j'ai parlé à des amis et à ma famille de ce sujet. J'ai pensé à des membres de mon équipe, engagés depuis longtemps dans des relations homosexuelles et qui élèvent des enfants ensemble. Grâce à nos efforts pour mettre fin à l'omerta qui règne dans nos armées, j'ai appris à connaître quelques-uns des soldats gais et lesbiens qui servent notre pays avec honneur et distinction.
Ce que je viens de réaliser, c'est qu’en matière d’amour, pour un couple de même sexe, la négation de l'égalité devant le mariage signifie que, dans leurs yeux et aux yeux de leurs enfants, ils sont toujours considérés comme des citoyens de seconde zone.
Même à ma propre table, quand je regarde Sasha et Malia, qui ont des amis dont les parents forment un couple de même sexe, je sais que je ne serais pas à la hauteur de mon rôle si les parents de leurs amis devaient être traités différemment.
Donc, j'ai décidé qu'il était temps d'affirmer ma conviction personnelle que les couples de même sexe devraient être autorisés à se marier.
Je respecte les croyances des autres, et le droit des institutions religieuses d'agir conformément à leurs propres doctrines. Mais je crois que, dans les yeux de la loi, tous les Américains devraient être traités également.

Et là où les États reconnaîtront des mariages de même sexe, aucune loi fédérale ne doit les invalider.
Si vous êtes d'accord, vous pouvez marquer votre approbation ici.

Je vous remercie,
Barack

 

Je pourrais, naturellement, faire comme si je n'avais pas reçu ce tweet et comme si je n'avais pas entendu le buzz médiatique autour de cette annonce. Mais il se trouve que, par ailleurs, l'engagement n° 31 de François Hollande était ainsi rédigé : "J’ouvrirai le droit au mariage et à l'adoption aux couples homosexuels". François Hollande élu, son premier Ministre a confirmé ce jeudi la prochaine mise en oeuvre de cet engagement, sans doute pour le 1er semestre de l'année 2013. Bref, nous avons cette question-là devant nous. Y compris un modeste élu local comme moi, qui ne me prend ni pour Hollande ni pour "Barack" mais... qui célèbre des mariages !

 

J'ai donc repris un brouillon de chronique sur ce sujet, que j'avais commencée cet hiver mais jamais terminée et donc jamais publiée, dans laquelle je tentais de mettre au clair mon opinion personnelle sur la question du mariage gay. Et, en la relisant, six mois plus tard, à la lumière à la fois de la déclaration de B. Obama et de l'élection de F. Hollande, je me dit que les mots alors écrits continuent de dire ce que je pense vraiment du sujet.

 

Alors, je la publie, au risque d'être, un peu, en décalage avec le mouvement en marche. Un peu seulement...

 

 

 

Un préalable d'abord : je ne m'inscris pas dans ces querelles de chapelles arqueboutées sur leurs certitudes. Je fais la distinction entre deux choses :

  • ce que je pense personnellement du modèle que la République doit promouvoir
  • le monde dans lequel nous vivons et qui s'impose à nous tous

Ce que je pense d'abord du "modèle républicain"

 

Nous sommes les héritiers d'une histoire, d'une culture et de pratiques qui nous font ce que nous sommes. Cet héritage nous amène à dire que le mariage et l'adoption sont l'apanage exclusif de couples, c'est-à-dire de duos constitués de personnes de sexes différents. Tel est l'état de notre droit. Telle est la pensée dominante à ce jour.

 

Au-delà de l'histoire, il est d'ailleurs légitime que la République assure la promotion de ce modèle de cellule familiale : s'il n'est pas sans défaut, il assure une relative stabilité, la mise en place de repères, la garantie de préservation des enfants et tout, dans notre société, privilégie cette organisation.

 

Je me retrouve pleinement dans ce modèle républicain dont je suis issu et qui, malgré les difficultés du moment, montre aujourd'hui encore sa solidité. Je forme donc le voeu que nos enfants fassent à leur tour ce choix de la vie de famille, décident de fonder leur foyer, d'y accueillir des enfants et, à leur tour, de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour les accompagner pendant leur enfance et, le moment venu, les laisser voler de leurs propres ailes.

 

Voilà pour mon choix de vie, voilà pour le modèle républicain dont je souhaite que nous assurions la promotion.

 

Le sujet est-il, pour autant, épuisé ? Non.

 

Le monde dans lequel nous vivons et qui s'impose à nous tous

 

Depuis de nombreuses années, à la faveur du PACS notamment, la République a ouvert le droit pour des couples de même sexe, à une reconnaissance publique : je m'en réjouis. On peut avoir un idéal d'organisation républicaine, cela n'empêche pas d'ouvrir les yeux sur le monde qui nous entoure. Et nous voyons tous vivre autour de nous des couples de même sexe, parfois de manière très durable, et j'ai du mal à comprendre pourquoi nous refuserions à ces couples d'organiser leur succession, de garantir les droits du conjoint, d'affirmer au grand jour leur cohabitation. Le PACS est donc une avancée heureuse.

 

L'aspiration exprimée par les associations homosexuelles est d'aller plus loin ? Je pense qu'elles ont raison et qu'il n'existe vraiment plus aucune raison pour refuser à des couples homosexuels les droits et devoirs civils reconnus aux couples ordinaires. De manière très concrète, cela pose deux questions :

 

* la question du "mariage" : pour les raisons que j'évoquais au sujet du "modèle républicain", je crois à l'utilité de conserver le mariage aux seuls couples constitués d'un homme et d'une femme. Mais, au-delà du mot, le contenu de cette union doit être ouvert à tous les couples. Faut-il aller jusqu'à enregistrer ces unions en Mairie ? Faut-il les cantonner à un seul acte juridique ? On voit bien la sensibilité de cette question et sans doute faudra-t-il, sur ce chemin, procéder par étapes. Mais, à mes yeux, l'issue ne fait pas de doute et c'est au fond légitime. Sur cette question-là, donc, mon point de vue est de laisser les postures de côté et de construire un chemin qui respecte la diversité des points de vue et adapte notre règlementation au fil du temps, dans le respect de l'évolution des esprits.

 

* la question de l'adoption : j'ai longtemps été marqué par l'idée, que je crois très juste, que l'éducation des enfants passe par une confrontation à l'altérité. C'est parce que nous avons eu un père et une mère que, progressivement, nous avons les uns et les autres construit notre parcours. Et je continue de penser qu'il y a là un "modèle" utile, un repère. Mais, ne jouons pas les faux-culs : nous connaissons des couples hétéros qui s'avèrent être des parents catastrophiques et, dans le même temps, nous voyons des couples homos élever des enfants soit adoptés, soit issus d'une union précédente, et tout ça, dans un environnement parfaitement apaisé. Donc, je pense que, là aussi, il y a des barrières qui devront tomber. Et paradoxalement, c'est sans doute par l'adoption que le mouvement s'imposera, avant de s'étendre au mariage.

 

 

J'en étais là de ma chronique lorsque je l'ai sauvegardée sans la publier. Il y manquait une conclusion que j'ajoute aujourd'hui.

 

1. Sur le tweet de "Barack" : c'est, à la fois, un signal d'une rare force et, en même temps, un génial coup de com' puisqu'aux Etats-Unis, la règlementation sur le mariage relève, non de l'administration fédérale, mais des états. Et d'ailleurs, je crois que, déjà, 5 ou 6 états reconnaissent le mariage gay sur les 51 que compte l'Union. Obama propose seulement que, comme aujourd'hui, l'etat fédéral n'abroge pas ces mariages : rien de vraiment nouveau, donc, mais "buzz" garanti...

  

2. Hollande a été élu. Ca signifie que mes réflexions ne sont plus seulement théoriques mais vont devenir, à un horizon sans doute proche, des questions d'une brûlante actualité. Je serais heureux que notre pays soit capable d'aborder ce débat avec un profond respect des points de vue divergents qui vont s'exprimer. Ecoutons-nous un peu, pour une fois... 

 

Si le nouveau Président  va au bout de ses choix, je vais donc être appelé à célébrer des mariages gays à l'Hôtel de Ville. Curieuse sensation mais, en reprenant le petit discours que j'ai préparé à l'attention des nouveaux mariés et que je prononce depuis 4 ans devant ces nouveaux couples, je réalise qu'il est parfaitement adapté...

 

 

Publié dans on en parle partout

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