Sécheresse : et on fait semblant d'être surpris ?
Je ne suis pas un spécialiste des phénomènes météo. Mais, même en y connaissant rien, ça fait quand même quelques années que j'ai compris que toutes les études sur le climat prévoient pour notre région une évolution qui fera ressembler un jour le bassin aquitain aux grandes étendues arides du sud de l'Espagne.
C'est bien pourquoi, dès 2003, a eu lieu un grand débat public qui devait aboutir à la création, à Charlas, aux confins de l'Ariège et de la Haute Garonne, d'un vaste réservoir d'eau de 110 millions de m3, destiné à stocker l'eau des Pyrénées l'hiver, pour réalimenter l'été le bassin de la Garonne.
Las ! Une fois de plus, l'écologie agissante conjuguée à la défense de quelques intérêts particuliers a rimé avec conservatisme et inaction : le dossier a été rangé aux oubliettes...
Mai 2011 : à Agen, nous devrions avoir reçu environ 400 mm de pluie depuis le 1er janvier. Nous sommes à moins de 80... Et encore, il faudrait ajouter à ces chiffres les déficits antérieurs des mois de novembre et décembre 2010.
Bref, nous sommes à la veille d'une crise hydrologique sans doute de première grandeur : elle va nous faire souffrir tous durant les prochains mois, nous contraindra à réduire drastiquement nos consommations -et modifier considérablement nos habitudes de vie-, pénalisera grandement notre agriculture et portera un nouveau coup dur à notre massif forestier et à notre biotope, qui n'en n'avaient pourtant pas besoin.
Belle réussite collective ! A force d'être incapables de faire primer l'intérêt général sur la somme des oppositions particulières, nous voilà à la merci de quelques ayatollahs bien en cour qui font, si j'ose dire, "la pluie et le beau temps". Vous allez d'ailleurs les revoir bientôt, tous ces diseurs de mauvaise aventure, dans les prochains mois, à la faveur de la prochaine présidentielle.
Un barrage suffit-il, à lui seul, à tout régler ? Non, bien sûr.
Bien sûr qu'il faut aussi réduire toutes nos consommations d'eau, à commencer par l'agriculture : dans un tel contexte, continuer de produire du maïs chez nous ou dans les Landes est une pure folie. Mais encore faut-il accompagner la mutation de notre agriculture vers des productions moins consommatrices d'eau : depuis 60 ans, elle a déjà montré son extraordinaire capacité à s'adapter, pourvu qu'on l'y incite et qu'on lui donne des outils. Elle est prête à cette nouvelle révolution.
Bien sûr que la préservation de la ressource en eau pour les hommes et pour l'économie doit se faire en préservant, aussi, notre environnement naturel.
Bien sûr que, quoi qu'on fasse, la ressource en eau est appelée à diminuer au point de devenir rare.
Bien sûr que, par voie de conséquence, l'industrie, les villes, les particuliers doivent intégrer la nouvelle donne climatique et modifier leurs habitudes de consommation et de traitement de l'eau.
Mais à refuser, par avance, d'assumer quelques choix audacieux, nous continuons de ne rien faire, comme si nous ignorions tout de ce qui nous attend. Le Président du Conseil Economique et Social de Midi-Pyrénées a raison de pousser son cri d'alarme (lire sa déclaration) : j'ai bien peur que, dans l'esprit du temps, son appel ne soit guère entendu...
Sans doute nous faudra-t-il encore d'autres sécheresses, d'autres catastrophes, pour que nous nous décidions, enfin, à bouger. D'ici là, plantez des oliviers et des cactus dans votre jardin, rebouchez vos piscines, paillez vos tomates et marchez à l'ombre : l'été 2011 risque d'être long et sec...!