Trous de mémoire ?

Publié le par Bernard LUSSET


J’ai déjà eu l’occasion dans ce blog (Au sujet de la gare TGV d'Agen... ) de dire le respect que je porte au parcours personnel et public de Monsieur Couderc : je n’y reviendrai donc pas.

Mais dans l’entretien paru aujourd'hui dans le Petit Bleu/La Dépêche, le souci de préservation du patrimoine agenais –qui honore Monsieur Couderc et que je partage- amène le Président de la Mirande à de fâcheux trous de mémoire.


Sur Hutot de Latour d’abord :

Passe que Monsieur Couderc n’apprécie pas le projet de rénovation de cette belle demeure : c’est son droit.
Passe encore qu’il se réjouisse que le projet doive être modifié pour être validé par les autorités du Ministère de la Culture (rien de plus naturel que d’exiger d’un tel projet qu’il respecte les règles d’urbanisme).
Mais Monsieur Couderc devrait ne pas oublier qu’alors élu en charge du Patrimoine dans la municipalité Veyret, son équipe a renoncé en 2007 à acquérir cet immeuble et y mener un projet de rénovation, ouvrant la porte à un projet privé comme celui d’Euridis d’aujourd’hui.

Où était Monsieur Couderc à ce moment-là ? Que n’a-t-il, alors, mis sa rigoureuse vigilance patrimoniale au service d’un projet public qu’il appelle aujourd’hui de ces vœux ? A moins que la « vision du génie de la Ville » ait –déjà- manqué à ce moment-là ?

La vérité, que Monsieur Couderc s’honorerait à reconnaître, est un peu différente et les Agenais la connaissent : laissée à l’abandon depuis des années, cette belle demeure agenaise poursuivra sa lente et inexorable détérioration si aucun investisseur privé ne se saisit de sa rénovation. Tous ceux qui sont donc sincèrement attachés à voir revivre cette maison espèrent donc la réussite du projet Euridis, après que les ajustements règlementaires demandés par la Commission Nationale des Monuments Historiques auront été apportés.

Je forme le vœu que l’action municipale, après des décennies d’abandon et d'inaction publique, y compris durant le magistère municipal de Monsieur Couderc, permette ce retour à la vie.


Sur la rénovation des Cornières, ensuite :

Voilà que Monsieur Couderc reproche à notre équipe municipale « d’oublier les Cornières » ! Nouveau trou de mémoire ?

En 2001, au moment même où Monsieur Couderc et ses amis ont été élus par les Agenais, un projet de rénovation des Cornières, après le toilettage des façades déjà réalisé, était sur la table. Tout était prêt, dossiers techniques et financiers compris : il ne restait qu’à signer les ordres de services des entreprises.

Dans sa grande sagesse, le Dr Chollet, Maire sortant, avait souhaité ne pas signer les bons de commande quelques semaines seulement avant les élections pour laisser ce soin à l'équipe légitime qui allait sortir des urnes.

Elue, la municipalité Veyret –et donc Monsieur Couderc- a fait le choix d’abandonner ce projet. C’était sa liberté, même si nous l’avons alors publiquement regretté. Et voilà les mêmes qui, après avoir enterré ce projet et totalement oublié les Cornières pendant 9 ans, les voilà qui viennent nous faire des reproches ?

Monsieur Couderc est manifestement plus doué pour l’incantation dans l’opposition que pour l’action lorsqu’il est en situation de responsabilité. On pourrait attendre mieux du Président de la Mirande...

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L’une des vertus d’un blog étant de ne pas être limité dans l’espace, et pour une parfaite compréhension de ce sujet, je publie ci-dessous le texte de l’entretien publié ce jour dans les colonnes du "Petit Bleu" et de "La Dépêche".

Michel Couderc : « Il faut une vision du génie de la ville »

Ancien conseiller municipal dans l'équipe d'Alain Veyret, Michel Couderc, qui fut la cheville ouvrière du projet d'aménagement du centre-ville « Agen s'imagine », préside aujourd'hui l'association de défense du patrimoine « la Mirande ».

Vous défendez l'option d'une gare TGV au centre-ville. Avez-vous le sentiment que le débat sur cette question a été tronqué ?

Ce qui est plus grave que l'absence de débat, c'est qu'on n'a jamais préparé l'arrivée du TGV en gare d'Agen, et la responsabilité de la communauté d'agglomération est ici très lourde : les aménagements prévus aujourd'hui, envisagés il y a plus de cinq ans, concernent un pôle multimodal où la gare ne gérerait que des trains régionaux. Dans le dernier rapport publié avant le renouvellement du conseil communautaire, le mot TGV ne figurait nulle part, c'est gravissime. Quant à l'option d'une gare TGV externalisée prise par Jean Dionis, elle témoigne d'un manque de vision structurante, car l'enjeu majeur du réaménagement urbain, c'est le quartier Sernam. Le projet urbain doit être un pack englobant la gare, le quartier du Pin et tout cet espace anarchique sous le pont de la Libération. J'ajoute que l'option d'une gare TGV à l'extérieur va totalement à l'encontre des prescriptions du Grenelle de l'environnement, qui prévoit de densifier les villes et de préserver les espaces ruraux. Là, on va dévitaliser un peu plus le centre-ville, au risque de faire d'Agen une simple bourgade entre Bordeaux et Toulouse, tout en mitant et en balafrant la campagne alentour.

Le projet de rénovation de l'hôtel Hutot de Latour vous tient aussi à cœur…


La gare en centre-ville et le respect dû au patrimoine, ce sont deux aspects d'un même problème : il faut essayer d'avoir une vision globale de ce qu'est le génie de la ville d'Agen. L'avenir est solidaire du passé historique et du génie du lieu. L'histoire d'Agen est celle d'une ville de passage, de transit, et son patrimoine est un potentiel de ressource touristique extrêmement fort, encore faut-il ne pas le dénaturer. Nous ne sommes pas du tout opposés à un projet immobilier pour Hutot. Mais pour avoir des œufs, on ne doit pas tuer la poule. Nous avons déjà réussi à faire redimensionner ce projet, mais même remanié, la Commission nationale des Monuments historiques a émis un avis défavorable. Un nouvel effort doit être fait, notamment sur la réduction des volumes, on a trop chargé la barque. Nulle part on ne voit de brasserie dans un hôtel quatre étoiles. Et la préservation des jardins est un point sur lequel nous serons inflexibles.

Que pensez-vous des projets d'aménagement du centre-ville de la nouvelle majorité ?


Il faut rendre hommage à l'équipe actuelle pour avoir réalisé les aménagements qui étaient programmés rue Montesquieu. Mais ce projet devait se poursuivre selon un axe Nord-Sud. Où en est aujourd'hui le projet de réaménagement des Cornières ? On n'en entend plus parler. C'est dommage, parce que beaucoup de temps avait été consacré aux études, à la sélection des architectes, au choix des matériaux et du mobilier urbain. Le projet urbain actuel se focalise sur la piétonnisation, alors que c'est un aspect totalement cosmétique. Car le principal enjeu aujourd'hui, c'est de penser des aménagements urbains et des espaces de dégagement autour de la gare, dont le centre-ville est pour ainsi dire l'arrière quartier. Notre vision sur toutes ces questions est loin d'être passéiste, au contraire, nous militons pour l'audace architecturale, mais nous refuserons toujours la médiocrité, à l'image de ce qui a été fait dans le quartier des Tanneries : on a massacré un trésor patrimonial, et pour quel résultat…

 

Publié dans on en parle à Agen

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