UDI : en route !
J'écoute et je lis depuis dimanche les commentaires au sujet du lancement de l'UDI à Paris. Manifestement, Jean-Louis Borloo n'appartient pas au cénacle des biens-pensants : l'ironie de certains commentateurs le dispute à l'incrédulité devant la naissance de ce parti de centre-droit. Et pourtant, l'assemblée constituante de l'UDI mérite mieux que cet accueil arrogant :
Le rassemblement des centres
Franchement, il fallait un certain talent pour rassembler ainsi la famille centriste... Formation territoriale par excellence, davantage constituée d'élus que de militants, le centre droit a presque autant de chapelles que d'élus ! Obtenir que tous se rassemblent ainsi témoigne d'un talent auquel il est légitime de rendre hommage. Et de fait, aucun ne manquait à l'appel de la Mutualité. Evoquer l'UDI, c'est donc d'abord souligner la capacité personnelle de Borloo à fédérer, quand tant de responsables politiques divisent et clivent.
Au-delà de ce talent, il faut souligner aussi une prise de conscience chez les centristes eux-mêmes : écartelé depuis 10 ans entre l'UMP-parti-unique et Bayrou-le-non-aligné, le centre-droit a été laminé : le rassemblement formalisé hier dit aussi la volonté de ses militants et de ses élus de reprendre la main et de sortir des seconds rôles.
Borloo en rassembleur
J'ai fait partie de ceux qui ont mal vécu la non-candidature de J.-L. Borloo aux présidentielles du printemps : sa dimension personnelle, son côté inclassable, son action tant au gouvernement que dans l'exercice de ses mandats locaux, justifiaient pleinement à mes yeux cette candidature. Borloo y a renoncé et je n'ai pas perçu, alors, les enjeux de ce renoncement que, pourtant, Borloo lui-même avait alors annoncés. Il avait en effet expliqué qu'une telle candidature risquait de signer la fin du centre alors que la non-candidature, elle, était porteuse d'avenir : la journée d'hier lui a donné raison. Dont acte.
Des valeurs centrales
Pourquoi l'UDI affiche-t-elle des ambitions si grandes ? Parce que le corpus de valeur dont elle est porteuse est, à l'évidence, majoritaire dans le pays :
- Gérer durablement les finances publiques : voilà 20 ans que le centre porte ces valeurs de rigueur de gestion. Ces appels sont demeurés lettre morte, aucune des principales formations politiques n'ayant daigné les entendre. Et puis, patatra : la réalité nous a rattrapé, contraignant chacun à voir enfin l'évidence. Aujourd'hui, plus personne ne conteste la nécessité de remettre un peu d'ordre dans nos finances publiques. Encore faut-il le faire en gardant à l'esprit quelques règles de bon sens.
- Dépasser les égoïsmes nationaux pour construire une Europe fédérale. Oui, Borloo a raison de dire que l'UDI est la seule formation totalement européiste, et depuis toujours. Ni le PS, ni l'UMP ne sont en situation d'affirmer aussi clairement ces choix qui fondent l'engagement centriste depuis 50 ans. Comme l'a justement rappelé hier Borloo, regardez où en sont les égoïsmes nationaux : vous croyez vraiment que la Grèce peut s'en sortir seule ? Vous pensez vraiment que l'Espagne ou le Portugal ont les reins assez solides pour rebondir seuls ? Et la France ? Sommes-nous si sûrs que ça de nos propres forces ? L'Allemagne elle-même, malgré la puissance de son économie et sa richesse, a bigrement besoin d'une Europe plus forte et plus intégrée.
- Ne rien faire sans penser, d'abord, à l'impact de la décision sur la vie des hommes et des femmes auxquels elle s'appliquera. Est-ce là une pétition de principe, de "l'eau tiède" ? Je crois au contraire que, plus encore que l'Europe, ce pilier-là nous distingue des autres formations. Chez nous, pas d'idéologie aveugle : nous en connaissons les limites et, même, les ravages. La politique ne sert que l'homme, sinon elle n'est plus la politique. Nous ne sommes pas si nombreux à placer ainsi l'homme avant les principes et c'est d'ailleurs au nom de cette primauté que nous n'hésitons pas à revendiquer crânement nos différences d'approche sur les questions de société.
- Bâtir une société de fraternité, de respect mutuel et d'apaisement. Les centristes ont mal vécu certaines déclarations péremptoires de ces dernières années, certains coups de menton et nous ne vivons pas mieux les déclarations à l'emporte-pièce des Montebourg ou d'autres aujourd'hui : le premier devoir du politique est de faire vivre une communauté nationale, de tirer parti de toutes ces richesses et de construire, à tous les niveaux, une société apaisée sans laquelle aucune règle commune ne tiendra longtemps.
Rendre le centre majoritaire dans notre pays
Parce que ces valeurs sont plus universelles qu'on ne veut bien le dire, et que nous n'en avons jamais changé, le centre-droit, remis en ordre de marche, peut porter les ambitions les plus hautes, sans honte. Il se trouvera bien un Copé pour y voir une reprise de la grenouille qui veut se faire plus grosse que le boeuf ? Il est en campagne, il faut lui pardonner ! Il se trouvera bien un Harlem Désir ou un Bayrou pour ergoter sur un mot ? L'UDI est-elle le centre tout entier ou seulement un bout ? Franchement, ce sont des querelles trop parisiennes pour moi...
L'essentiel est ailleurs : il est dans la reconstruction de cette famille libérale, européenne et sociale, claire dans sa stratégie d'ailliance sans laquelle il n'y a pas de victoire électorale possible, mais dans une alliance plus équilibrée demain qu'hier où les valeurs du centre seront enfin reconnues.
Voilà pourquoi la naissance de l'UDI est un fait politique majeur. Tout reste à construire, certes, mais l'énergie positive du mouvement est bien là. Qu'importe les quolibets du jour : leurs auteurs, comme toujours, tourneront casaque au premier changement de vent !