Macron ? Non.

Publié le par Bernard LUSSET

J'apprécie beaucoup François Bayrou. Et je trouve depuis longtemps que les caricatures méprisantes dont il est l'objet sont injustes quand on regarde son parcours. Même lorsque je n'ai pas partagé son point de vue -et c'est arrivé souvent-, j'ai toujours conservé un profond respect pour le responsable politique, pour l'homme et pour les idées qu'inlassablement il porte. 

Je viens de relire le texte de son intervention à l'issue de laquelle il a annoncé son intention, renonçant à sa propre candidature, de proposer une alliance à Emmanuel Macron, qui l'a acceptée. Avant de dire ce qui me sépare de ce choix, je veux souligner ici à quel point cette déclaration de François Bayrou me semble à la fois courageuse et ambitieuse.

François Bayrou aurait pu faire le choix de se porter candidat : bien des responsables politiques d'importance moindre ont fait ce choix. Mais François Bayrou mesure bien le danger que ferait porter l'éparpillement des suffrages, au seul bénéfice de l'extrême droite ; en renonçant à sa candidature, il apporte une nouvelle fois la preuve que sa démarche n'est pas personnelle mais essentiellement politique, qu'elle parle du pays au pays. D'autres seraient bien inspirés de suivre le même chemin et d'avoir la même hauteur de vue.

François Bayrou le clame depuis des années et les Français, sondages après sondages, le réclament : l'état du pays rend indispensable le rassemblement des principales familles politiques républicaines afin de porter ensemble, au-delà de leurs différences, les indispensables réformes dont le pays a tant besoin.

C'était le sens du soutien clair et sans condition apporté à Alain Juppé lors de la primaire. C'était aussi l'esprit du soutien apporté par F. Bayrou en 2012 à François Hollande, au sujet duquel on a dit beaucoup de sottises : le Président du Modem a, sincèrement, pensé que Hollande pouvait porter un mouvement réformiste de rassemblement. Il s'est trompé, l'a reconnu mais nul ne peut contester à François Bayrou d'avoir une grande constance dans la promotion de cette idée de rassemblement large. Je vois dans l'ouverture faite à Emmanuel Macron la même marque de cette volonté fédératrice, au moment où tous les partis politiques confondus souffrent d'une désaffection inconnue jusqu'alors dans l'opinion. 

Je suis convaincu que François Bayrou a raison dans sa quête de rassemblement et je n'exclue pas que, cette fois-ci, l'histoire lui donne raison. Pourtant, bien que porteur de cette même aspiration, bien que militant Modem, je ne ferai pas le même choix que François Bayrou dans cette élection présidentielle. Et je souhaite en apporter ici les raisons.

François Bayrou dénonce "l'aveuglement dans lequel s'est enfermée la droite française" qui empêcherait tout accord. J'ai exprimé ici mes réticences à l'égard d'un certain nombre de propositions de François Fillon et je les renouvelle aujourd'hui. Mais je suis convaincu que François Bayrou en aura aussi avec le programme d'Emmanuel Macron, le jour où il sera connu ; il n'y a donc pas de désaccords indépassables pourvu qu'on le veuille bien. 

J'ajoute que la victoire de François Fillon à la primaire ne saurait réduire cette famille de pensée à cette seule candidature et aux options qu'elle porte. Il suffit de voir les débats que le programme de François Fillon fait naître au sein même de son propre parti pour le souligner. Pour tout dire, je trouve ce passage du texte de François Bayrou un peu "court" pour justifier l'impossibilité d'un accord.

Sans y insister, on sent bien que François Bayrou a été surpris et profondément choqué par les révélations faites sur le comportement personnel de François Fillon. Je les partage, comme beaucoup de Français. Mais rien dans le parcours d'Emmanuel Macron ne permet sérieusement de dire que l'homme serait particulièrement désintéressé : François Bayrou lui-même a dénoncé en son temps la collusion de cet homme avec les principaux milieux d'affaires. Qu'est-ce qui a changé ?

Bayrou a raison de souligner l'extraordinaire incertitude qui pèse sur le résultat de ce scrutin et le désenchantement des Français à son égard. Mais en choisissant Macron, même sous conditions, il renonce à cette alternance dont il rappelle pourtant dans la même déclaration, le caractère indispensable : je m'y retrouve d'autant moins que Macron est très largement l'héritier de ce quinquennat catastrophique. Au nom de quoi, par quel miracle, serait-il désormais le mieux placé pour porter ce rassemblement de l'alternance, lui qui s'est surtout illustré par une grande habileté dans la défense de son propre parcours. Bayrou avec Macron ? Si je peux comprendre les raisons de ce choix, et si je le respecte, je ne parviens pas à adhérer à ce nouveau revirement d'alliance qui sera davantage source de confusion que de rassemblement, j'en ai la conviction.

***

Ceci dit, il ne faut pas se tromper : l'annonce faite par François Bayrou crée des obligations particulières à François Fillon : il doit, plus que jamais, sortir de sa posture de la primaire pour susciter une dynamique de rassemblement plus large. Il doit s'engager dans une campagne fédératrice et parler à tous les Français : il n'a que trop tardé à le faire.

S'il ne le fait pas, François Fillon perdra l'élection, même avec le vote que je m'apprête à lui apporter, qui est un vote de raison.

Macron ? Non.

Publié dans on en parle partout

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M
Je ne partage pas ton analyse, Bernard, sur les motivations du choix de F. Bayrou mais je reconnais ton pragmatisme dans ta conclusion et le salue !.
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J
Cher Bernard,<br /> Notre combat ancien pour défendre nos valeurs a connu bien des échecs !<br /> La décision courageuse de François Bayrou offre une chance historique de réaliser enfin nos souhaits<br /> de briser le duopole qui stérilise notre vie politique depuis trop longtemps.<br /> C'est pourquoi,je voterais E.Macron.<br /> Je suis sur qu'une majorité nouvelle permettra de nous retrouver.
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B
Salut Jean Marc. Tu as du le sentir au ton de ma chronique : je suis loin de condamner la décision de François Bayrou et, pour tout dire, j'en partage beaucoup d'aspects. Mais au point de soutenir Macron dont on ne sait rien et le peu qu'on en connait ne m'incite pas à le suivre. Mais, tu as raison, s'il l'emporte, nous nous retrouverons sans doute un de ces jours...