Pas la même ambition
A moins de deux mois du premier tour de la primaire, il n'est pas déraisonnable d'imaginer que Nicolas Sarkozy et Alain Juppé sortiront en tête de la consultation populaire. Je dis ça avec beaucoup de prudence et sans une once de mépris à l'égard des autres candidats : les trois débats peuvent réserver des surprises, des évènements de campagne sont toujours possibles mais les enquêtes d'opinion, aussi imparfaites qu'elles soient pour ce scrutin particulier, délivrent depuis des mois la même photo et il serait surprenant que le résultat soit autre.
Les deux candidats appartiennent à la même famille politique, au même parti ; on ne s'étonnera donc pas qu'ils aient une assez large communauté de vue sur bien des sujets. Ce qui les sépare plus que tout tient plus à des considérations tactiques, au meilleur sens du terme,qu'à autre chose.
Sarkozy mise tout sur la primaire. Il met son talent d'orateur au service d'une entreprise bien menée de séduction des militants, après avoir délibérément choisi d'exacerber les tensions du pays. Ca peut être un choix gagnant de premier tour de la primaire ; plus improbablement du second tour. C'est en revanche l'échec probable à la présidentielle elle-même. Et dans le cas d'une victoire malgré tout, c'est un mur qui se dresserait devant le nouveau Président, incapable de transformer en programme politique applicable ses slogans de campagne. Telle est ma profonde conviction ; telle est aussi ma plus grande crainte car le pays ne se remettrait pas d'un tel artifice.
Juppé, lui, mise tout sur l'élection présidentielle elle-même. Pas par suffisance ni excès de confiance en ses chances, mais parce qu'il place au-dessus de tout -y compris de sa propre victoire- les nécessaires réformes qu'il faudra entreprendre pour relancer la dynamique française et la confiance. La campagne caresse moins l'électorat dans le sens du poil que l'autre, déchaine moins d'enthousiasmes militants et fait plus appel à la raison qu'à la passion ? Certainement mais, en cas de victoire, ce choix sera assurément gagnant pour la présidentielle d'abord et pour le pays ensuite.
Juppé veut gagner pour réformer le pays. Sarkozy veut gagner pour gagner. Ce n'est pas tout-à-fait la même ambition.