Gonflé mais bien vu : France is back !

Publié le par Bernard LUSSET

Il y a quelques jours, je vous invitais ici à lire le discours de Jean-Claude Junker sur l'Etat de l'Union. J'y soulignais une vision politique forte et un horizon que je partage. J'ignorais alors que quelques jours plus tard, Emmanuel Macron prononcerait un discours fondateur sur l'Europe.

On pourra dire ce qu'on veut au sujet de Macron : lui, au moins, n'est pas un européen honteux. Il a osé faire de la construction européenne un thème majeur de sa campagne présidentielle (comme seul Alain Juppé l'avait osé durant la primaire). Désormais Président de la République, il s'attaque à ce grand chantier et le fait avec ce qu'il est : beaucoup d'énergie et d'intelligence, une bonne dose d'habileté et d'éloquence et ce soupçon de suffisance née des certitudes qui habitent la haute technocratie française. Qu'importe : le discours prononcé par Macron à la Sorbonne fera date, pour plusieurs raisons :

Le calendrier. Macron s'est exprimé au lendemain des élections législatives allemandes. Leur résultat fait entrer nos amis germaniques dans une période de construction d'une coalition où les arbitrages politiques, y compris en matière européenne, seront compliqués. Quant aux Britanniques, ils sont englués dans le processus du Brexit dont ils commencent à mesurer le coût réel. Le moment choisi par Macron pour faire entendre un discours français nouveau et volontaire sur l'Europe est donc à la fois paradoxal, gonflé mais bien vu.

La France fait le boulot. Notre pays n'est pas très bien considéré en Europe : grandes gueules mais incapables de maitriser nos dépenses publiques, nous avons souvent pêché par manque de constance et de courage en Europe et par un fort écart entre nos discours et nos actes concrets. L'initiative de Macron intervient au moment même où sont effectivement lancées les premières réformes structurelles majeures dans notre pays. La France sort progressivement des voeux pieux et sa voix s'en trouve renforcée en Europe. Elle retrouve a minima le bénéfice du doute.

Européisme assumé. Ce qui différencie Macron de ses prédécesseurs, c'est qu'il porte un projet clairement fédéral de l'Europe et qu'il l'assume, face à l'eurobashing ambiant. En témoignent les principales propositions de son intervention :

  • Accélérer la convergence fiscale et sociale avec l'Allemagne, notamment pour les entreprises.
  • Créer un budget pour une zone euro renforcée, ce qui revient à assumer une Europe à 2 vitesses.
  • Abandon de l'idée de mutualisation des dettes, qui effrayait bon nombre de nos partenaires
  • Renforcer la convergence fiscale et sociale au sein des pays de l'Union, pour harmoniser taux d'impôt sur les sociétés, SMIC et cotisations sociales.
  • Généraliser Erasmus, pour démultiplier les échanges chez les jeunes européens et, ainsi, faciliter le bilinguisme.
  • Avancer vers une véritable Europe de la défense, avec une initiative française forte d'ouverture aux autres armées européennes.
  • Instaurer une taxe sur les transactions financières pour l'aide au développement, longtemps promise, jamais mise en oeuvre mais pourtant indispensable face aux défis du sud. Là encore, Macron dessine avec constance et détermination une politique nouvelle d'aide au développement en faveur de l'Afrique.
  • Réformer la PAC, pour la rendre à la fois plus simple (il y a du boulot...) et plus protectrice pour les producteurs et consommateurs européens.
  • Instaurer une taxe carbone dissuasive aux frontières extérieures de l'Europe, pour lutter contre le dumping environnemental.
  • Mettre en place une taxation européenne harmonisée et plus équitable des géants du numérique.
  • Présenter des listes transnationales aux élections européennes en 2019 et réduire le nombre de commissaires européens, la France étant prête à abandonner son "droit" à un commissaire.

Oui, il y avait du souffle et de l'ambition dans ce discours. S'il a suscité des réactions dubitatives voire exaspérées chez certains de nos partenaires européens, il a clairement été un évènement à partir duquel un certain nombre d'initiatives pourront être prises. C'était manifestement l'objectif.

J'exerce assez mon esprit critique sur certaines orientations et sur la gouvernance de Macron pour souligner aujourd'hui librement que ce discours de la Sorbonne était un moment fort, cohérent avec les engagements pris durant la campagne. Si les faits suivent les mots, alors oui, la France sera de retour sur la scène européenne : si, en soi, ce retour ne suffira pas à faire bouger les choses, il crée une dynamique à partir de laquelle les espoirs les plus sérieux sont permis.

Les centristes authentiques ne peuvent que s'en réjouir.

L'étoile en arrière plan de Jupiter, c'est un peu beaucoup. Les communiquants élyséens sont décidemment incorrigibles !

L'étoile en arrière plan de Jupiter, c'est un peu beaucoup. Les communiquants élyséens sont décidemment incorrigibles !

Publié dans on en parle partout

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