Après l'agression contre le Président de la République

Publié le par Bernard LUSSET

Jeudi 30 juin 2011. Nicolas Sarkozy est en visite près d'Agen, pour y rencontrer les maires du département. Au moment où il salue des habitants, le Président de la République est violemment agressé : les images ont fait le tour du net et des medias, même si on n'a pas bien perçu la violence du geste : pour avoir discuté avec l'Agenais qui a reçu, bien malgré lui, un coup de poing au passage, je peux vous dire que l'agression était vraiment caractérisée !

 

La suite est connue : la justice s'est saisie de cette agression et a prononcé une sanction, aujourd'hui définitive et somme toute modérée (pas de prison ferme). Suffisament en tout cas pour que l'agresseur se croit autorisé, sur les marches du Palais de Justice d'Agen, à saluer ses amis en arborant le "V" de la victoire devant les photographes, confirmant ainsi l'intention qui était la sienne et dont il s'était vanté quelques heures plus tôt : agresser le Président de la République. Il parait que le week-end qui a suivi lui a valu d'être littéralement submergé de contacts en tous genres qui l'ont dérangé : il n'y a guère que lui pour s'en étonner ! Qui sème le vent...

 

Voilà pour les faits. Ajoutons-y qu'Herman Fuster est employé municipal à la mairie d'Agen : il a été recruté en tant que contractuel en 2005 sous la municipalité précédente et nous l'avons, quant à nous, stagiairisé puis titularisé : il fait désormais partie de la fonction publique.

 

C'est à ce titre qu'est posée la question des sanctions professionnelles que la Mairie peut apporter à la suite de son geste.

 

Pourquoi sanctionner alors que la justice s'est déjà prononcée ?

 

Parce qu'un membre de la fonction publique, s'il dispose de droits spécifiques, est aussi soumis à des devoirs en raison même de son statut : rémunéré par l'argent public, il doit au pays des sujétions particulières. A ce titre, un fonctionnaire qui commet une faute, même en-dehors de son temps de travail -ce qui est le cas ici- est susceptible d'être sanctionné par les pouvoirs publics qui l'emploient, au-delà des éventuelles suites judiciaires.

 

Imaginez par exemple un gendarme, un magistrat ou un journaliste de France Télévision qui, hors temps de travail, se rendrait coupable d'escroquerie ou de tout autre délit ou crime : passée la décision de justice, il aurait à subir une sanction de la part de son employeur. Nul n'y trouverait à redire : cela fait partie des obligations des fonctionnaires, en contre-partie de droits dont ils bénéficient par ailleurs.

 

Donc, inutile de s'insurger contre cette forme de "double peine" (le mot est à la mode) : elle fait partie, pleinement, de la fonction publique. Libre à ceux qui la trouveraient insupportable de choisir une autre carrière. (On les invite, cependant, à bien réfléchir avant...)

 

Pourquoi sanctionner, alors que les conséquences sont, somme toute, mineures ?

 

Que fait Herman Fuster en accomplissant ce geste prémédité ? Il exprime de manière violente son rejet de Nicolas Sarkozy. Or, qu'il l'aime ou pas n'a aucune importance : nous avons un chef de l'Etat, légitimement élu par une majorité de Français. Respecter le chef de l'Etat, quoi qu'on pense du titulaire provisoire de cette fonction, c'est donc affirmer son attachement à cette valeur démocratique de premier plan : la primauté du suffrage universel sur toutes les autres considérations.

 

Sarkozy, Mitterand ou Chirac ? Pour moi, ça ne fait pas de différence : la violence individuelle est, par principe, illégitime par rapport au suffrage universel, c'est-à-dire l'expression de la volonté majoritaire des citoyens.

 

Si on commence à accepter, tolérer, voire excuser que n'importe qui, un matin, se réveille avec l'envie irrépressible de taper sur la figure d'un Maire, d'un chef d'Etat ou de tout autre responsable légitimement désigné, alors, chers amis, si on accepte si peu que ce soit cette idée, la jungle a de beaux jours devant elle ! Les fragilités, les difficultés, les errements ou les interrogations d'une vie ne sauraient suffire à expliquer un tel geste et moins encore à l'excuser.

 

Circonstance aggravante : un fonctionnaire est le fruit de cette organisation-là : il incarne l'idée même de service public, c'est-à-dire de mobilisation de moyens collectifs au service de tous. 

 

S'il veut contester tel ou tel élu, comme c'est son droit de citoyen, qu'il le fasse selon nos règles communes : qu'il s'engage, qu'il vote et, s'il l'ose, qu'il entre dans l'arène, qu'il s'expose, qu'il fasse le boulot, en commençant par se faire élire.

 

C'est dire qu'à mes yeux et pour ces raisons, le geste d'Herman Fuster mérite une sanction des plus lourdes ; c'est en tout cas, au niveau de responsabilité qui est le mien, la ligne que je défends après réflexion et en-dehors de toute précipitation.

 

Que va-t-il se passer maintenant ?

 

Dans sa grande sagesse, Jean Dionis, notre Maire, a refusé de réagir "à chaud" : il a bien fait.

 

Dans les jours qui ont suivi, la Municipalité a pris le temps de la réflexion et vient d'engager la saisine du Conseil de discipline. Il s'agit d'une procédure qui apporte toutes garanties de transparence, de sérénité et de droit : le Conseil de discipline, organe  paritaire composé d'élus et de représentants du personnel municipal, est présidé pour l'occasion par un juge du Tribunal administratif.

 

Cette procédure, sans doute à l'automne, permettra notamment à Herman Fuster d'être entendu et défendu. L'avis rendu par ce Conseil de discipline sera soumis au Maire pour décision finale, laquelle sera susceptible, comme toute décision administrative, de recours : bref, nous sommes et resterons loin de l'arbitraire, du spectaculaire et de la précipitation.

 

Je souhaite que nous restions loin, aussi, de l'indifférence ou de la banalisation : le fondement même de ce geste me choque au plus haut point, vous l'aurez compris, quelles que soient les motivations qui ont conduit à ce geste : parce que cette agression balaie d'un revers de manche notre système démocratique et justifie tous les débordements individuels violents, au motif de la "violence" supposée du système démocratique : on aura beau dire et beau faire, je suis et je resterai un adversaire résolu de cette violence-là dont aucune difficulté personnelle, à mes yeux, ne vient atténuer l'impact ravageur.

 

C'est une question de convictions républicaines. C'est aussi, sans vouloir utiliser de "grands mots", une question de civilisation, au sens premier du terme.

 

Publié dans on en parle partout

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