Finances publiques : on continue comme ça ?

Publié le par Bernard LUSSET

On dit que l'état des finances publiques françaises serait au cœur d'un différend entre le Président de la République et son Ministre des Finances, moins en raison des mauvais chiffres du budget eux-mêmes que de la question de savoir s'il faut en passer ou non par un nouveau vote au parlement... Laissons à l’exécutif le soin de traiter cette question interne pour s’en tenir au fond : les finances publiques françaises vont mal et, loi de finance rectificative ou pas, il est grand temps de s'en préoccuper autrement que dans les discours. 

Tous comptes publics confondus, la dette du pays s’envole en valeur absolue. Elle a franchi en 2023 le cap symbolique des 3.000 milliards d’euros, triplant en 20 ans. Refuser de voir cette réalité et d'y répondre, c'est reporter sur les générations à venir le poids de cette dette colossale. Il existe certes des gens pour expliquer que ce n'est pas si grave : je n'en suis pas.

 

Certes, la croissance 2023 et 2024 est moindre que celle espérée par le gouvernement et, de ce fait, les recettes fiscales sont en-deçà des prévisions. 
Mais les moindres recettes n'expliquent pas la situation : même hors effet COVID et le «quoi qu’il en coûte», l’Etat ne parvient toujours pas à contenir ses dépenses. 

 

Acculé devant ces évidences, le gouvernement cherche des économies et n’a pas tardé à se tourner vers les collectivités. Or, depuis la fin des années 1970, la part des collectivités locales dans la dépense publique française est restée stable en-dessous des 10% du PIB. A la faveur des différentes réformes opérées ces dernières décennies, le déficit de la sécurité sociale, lui aussi, demeure maîtrisé. Le problème est bien à voir du côté de l’Etat.

 

On objectera avec raison que la France est un pays paradoxal où la dépense publique est vouée aux gémonies mais où, dès que des difficultés apparaissent, on se tourne vers l’Etat. Il n’empêche : pour ne prendre que ce seul exemple, personne ne demandait la suppression de la taxe d’habitation. Or, non seulement cette réforme unilatéralement décrétée par le Président de la République a profondément dégradé la relation citoyen/commune mais elle a en outre sottement privé l’Etat de quelques 16 milliards d’euros de recettes annuelles : une paille ! 

Cette dette dont la France ne parvient pas à se défaire la place en position délicate vis-à-vis de ses engagement européens : à la seule exception de l’année 2006, la France est incapable depuis le début des années 2000 de maintenir son déficit public en-deçà des 3%, mettant à mal sa crédibilité vis-à-vis de ses principaux partenaires en Europe. Comment imaginer dans de telles circonstances que les prêteurs, dont la moitié viennent d'Europe, continueront à nous prêter aux taux les plus bas ? D'ailleurs, la France réemprunte déjà cette année à des taux qu'elle n'avait pas connus depuis la crise financière de 2008.

Sommes-nous pire que les autres ? Oui ! D’autres pays, soumis aux mêmes contraintes que nous et pourtant moins bien lotis que nous à plus d'un titre, ont su ces dernières années rétablir leurs comptes publics. Ainsi le Portugal, désormais cité en exemple après avoir été montré du doigt. Le pays fait aujourd'hui figure de bon élève de l'Europe. Depuis 2017 et contrairement au Portugal, la France  a continué de dépenser toujours plus, en temps de crise comme en temps de reprise économique. Le résultat à la fin est sans appel.

 

 

 

La France se voit ainsi reléguée en fin de classement des pays européens, aux côtés notamment de l’Espagne et l’Italie : nous sommes très bons pour faire des promesses de lendemains meilleurs et donner des leçons au monde entier mais, au pied du mur, le maçon français passe pour ce qu'il est : un mauvais ouvrier.

Dans quelques jours, Fitch et Moody's, suivies par Standard & Poor's fin mai livreront leur verdict annuel. Il ne faudra pas s'étonner si cette incapacité française à tenir son budget était sanctionnée d'un abaissement de la note. Outre que ce ne serait pas très glorieux, cela signifierait un renchérissement du coût des emprunts souscrits par la France cette année : près de 300 milliards, presque 160 au titre de l'amortissement de la dette et 150 au titre du déficit à financer.

Selon les propres chiffres avancés par le gouvernement, le paiement des seuls intérêts de la dette nationale représentera dès 2026 le premier poste de dépense de l'Etat, devant tous les autres : 61 milliards d'euros ! Inutile dans de telles conditions de songer aux investissements d'avenir dont le pays aurait pourtant grand besoin pour faire face aux défis à venir et assurer cette "souveraineté" qui est devenue le nouveau mantra gouvernemental. Sans une réaction sérieuse et durable, nous n'en aurons pas les moyens.

Mais, manifestement, le sujet ne passionne pas le chef de l'Etat : continuons donc comme ça...

Publié dans on en parle partout

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article