Réouvrir l'Europe : ne pas oublier l'Afrique
L'Union européenne vient d'ouvrir un site qui détaille les pays tiers à l'égard desquels les restrictions de voyage pour les déplacements non essentiels sont levées. Au 1er juillet, ces pays sont les suivants :
Algérie, Australie, Canada, Georgie, Japon, Montenegro, Maroc, Nouvelle-Zélande, Rwanda, Serbie, Corée du Sud, Thaïlande, Tunisie, Uruguay et Chine (sous réserve de réciprocité). Le Rwanda est donc à ce jour la seule destination africaine rouverte aux échanges aériens.
L'élaboration de cette liste qui doit encore être avalisée par chaque état membre a donné lieu, dit-on, à d'intenses tractations entre les 27. Le principe retenu a été de ne rouvrir les échanges que si le taux de nouveaux cas quotidiens de Covid-19 recensés dans le pays tiers était inférieur à 16 pour 100.000 habitants sur les 14 derniers jours, ce qui est la situation moyenne au sein de l'UE.
Or, ainsi qu'on le verra ci-dessous, c'est le cas d'un grand nombre d'états africains (source : covid-49-africa.sen.ovh) :
A l'exception de l'Afrique du Sud qui connait un foyer épidémique important, on voit que la pandémie, si elle poursuit sa progression, est très en-deçà des ratios fixées par l'UE : 10 fois moins en Côte d'Ivoire, 18 fois moins au Sénégal. Même à supposer que les statistiques sanitaires y soient moins fiables qu'ailleurs, le seuil de maintien de la fermeture des échanges est loin d'être atteint.
Pour évoquer plus particulièrement la situation en Afrique de l'Ouest, la situation au Sénégal et en Côte d'Ivoire est très claire : la pandémie poursuit sa progression, certes, mais à des niveaux de propagation sans commune mesure avec les ratios européens :
Dans ces deux pays et pour la première fois depuis le début de la crise, il semble même que la courbe des cas quotidiens détectés connaisse un premier palier qui reste, naturellement, à confirmer. Pourquoi évoquer ici le sort des pays africains au moment où l'Europe rouvre timidement ses frontières aériennes au monde ?
Parce que la situation dans nombre de pays africains est infiniment plus préoccupante sur le plan économique et social que sur le plan sanitaire. Comme c'est le cas en Europe, l'économie de ces pays est à l'arrêt ; mais à la différence de chez nous, les mécanismes d'atténuation de la crise n'existent pas : la question est de s'alimenter chaque jour. D'où de nombreux programmes gouvernementaux d'urgence sur ce plan.
Il devient donc vital pour ses populations africaines que les échanges puissent reprendre au plus vite : les exportations agricoles et halieutiques, les échanges commerciaux, le retour des investisseurs et touristes étrangers. Bref, le retour à la vie tout en continuant à mettre en œuvre les gestes barrières (lavage des mains, distance physique, port du masque).
C'est d'ailleurs le sens de l'annonce faite, par exemple, par le président sénégalais Macky Sall mardi dernier dans son message à la Nation : "De la même manière que nous ne pouvons pas laisser au virus nos vies et notre santé, nous ne pouvons, non plus, lui laisser la vie et la santé de notre économie". L'état d'urgence a ainsi été levé et la réouverture des frontières aériennes sera effective au 15 juillet.
Dans ce redémarrage timide et progressif mais indispensable à la survie même de nombreuses populations, l'Union européenne a le devoir de ne pas ignorer le sort du continent africain : réouvrir l'Europe oui, mais sans oublier l'Afrique.