Petite chronique de la présidentielle (6)

Publié le par Bernard LUSSET

Un (faux) air de déjà-vu. Macron vs Le Pen. En 5 ans, beaucoup de choses ont changé : l'image de la Présidente du RN, le glissement de l'opinion publique à droite, Macron Président sortant qui peut difficilement rejouer la rupture de 2017 et des reports de voix assurément différents. Si le casting final est le même, il n'y a pas grand chose de commun entre ces deux élections. 

Les gagnants de 2022. Il faut en revenir aux votes, c'est-à-dire aux électeurs eux-mêmes puisque c'est bien l'addition des bulletins déposés dans l'urne qui construit le résultat.

Ainsi d'une élection à l'autre,  Macron voit le nombre de voix obtenues progresser de 13%. Il est le seul président sortant hors cohabitation à gagner ainsi des voix d'un premier tour à l'autre : (Sarkozy en 2012 obtient 15% de voix de moins qu'en 2007). Mélenchon (+9%) et Le Pen (+6%) progressent eux aussi dans une moindre mesure et cela malgré l'abstention.

Les perdants de 2022. Les candidats des deux "grands" partis d'hier, PS et LR, font un plongeon surprenant : Pécresse obtient 77% de voix de moins que Fillon en 2017, pourtant alors en bien mauvaise posture. Même chose pour Hidalgo (-73%) qui, pour un peu, ferait passer Hamon pour un champion électoral ! Ce sont de véritables naufrages qui imposent aux plus jeunes citoyens de réinventer de nouvelles formes d'engagement public : leurs aînés -dont je suis- en sont décidemment incapables et viennent une fois de plus de le prouver.

L'idiot utile. Zemmour aura finalement joué le rôle exact qu'on pouvait en attendre : il a divisé les forces de l'extrême droite, sauvant de justesse le premier rang de Macron, et siphonnant -pour l'anecdote- les voix de Dupont-Aignan. Et à 20h02, comme attendu, il a appelé à voter pour celle qu'il avait honnie durant la campagne, Marine Le Pen : pour un politicien qui se disait "amateur" et en rupture avec les pratiques politiciennes antérieures, Zemmour a appris très vite le retournement de veste. 

Le coup passa si près. On comprend la légitime déception des soutiens de Mélenchon : il y a même eu un moment dans la soirée du 10 avril où sa qualification pour le second tour paraissait à portée. Et puis non. Pourtant, Mélenchon a augmenté en 5 ans le nombre de voix recueillies, obtenant même un place de leader en Outre-Mer et chez beaucoup de Français de l'Etranger : ainsi au Sénégal, où j'ai vu Mélenchon surpasser -étonnamment- Macron de près de 5 points dimanche dernier (38,64% contre 33,96%) : je ne m'attendais pas à ça de la part de la communauté française au Sénégal.

La campagne, enfin. Macron se lance enfin dans la campagne. Il était temps. Si Davet et Lhomme (voir ici) ont raison, on va assister dans les prochains jours à un spectacle étonnant où le candidat Macron n'hésitera pas à contredire le bilan du président sortant, voire même ses promesses électorale de la semaine dernière : il y a chez cet homme une souplesse idéologique (en réalité sans doute, une absence totale de convictions politiques) qui le sauvera peut-être et nous épargnera du même coup une présidence Le Pen dont les Français ne mesurent sans doute pas le caractère durablement toxique. Voilà pourquoi, au second tour comme au premier, je voterai Macron.

Je ne serai pas le seul à le faire sans enthousiasme. 

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