Habiletés mélenchonesques

Publié le par Bernard LUSSET

Quel talent ce Jean Luc Melenchon ! C'est un politique habile, très habile. En témoigne la manière avec laquelle il a circonvenu l’ensemble des forces de gauche -certes très fragilisées après leur débâcle aux présidentielles- en les embarquant dans l’aventure de la NUPES qui n’est rien d’autre que la France Insoumise vaguement élargie à ce qui reste du PS et des Verts.

Cette habileté mérite d’être soulignée pour ce qu’elle est : un tour de force unique dans l’histoire récente puisque, sauf quelques exceptions mineures, c’est la première fois que la gauche se rassemble autour d'une candidature unique dès le premier tour des législatives.

Habile aussi cette invitation à « l’élire » premier Ministre, ce qui est une autre manière non seulement d’imposer ses thèmes et sa personne mais aussi d’alimenter une campagne électorale législative aussi atone que le fut celle de la présidentielle, par la volonté même de celui qui a été réélu à l’Elysée. 

Habile enfin cette manière de rappeler que si le Président dispose d’une légitimité forte incontestable, un gouvernement s’appuyant sur une majorité absolue au Parlement peut, lui aussi, disposer des armes constitutionnelles et politiques pour « conduire la politique de la nation » comme l’indique la Constitution.

La suprême habileté est sans doute d’avoir réussi tout ça après avoir subi un troisième échec. Parce qu’enfin, même s’il fait mine de l’oublier, Jean Luc Mélenchon a pris une 3eme rouste électorale en 2022 après celle déjà subi en 2017 et en 2012 : contrairement à Marine Le Pen, il n’est jamais parvenu, lui, à franchir le cap du premier tour. Parfois de justesse, certes mais il n’y est jamais parvenu. C’est dire si l’homme est habile : il devrait être rangé par l’opinion publique et les médias dans le placard des vieilles badernes politiques sur le retour et le voilà au hit parade des journaux télévisés : on ne voit que lui, on n’entend que lui.

Mais cette habileté va connaître bientôt ses limites et elles sont de deux ordres.

D’abord une limite électorale. Si le résultat du premier tour des législatives dans les circonscriptions des Français de l’étranger se confirme sur le territoire national, les candidats de la NUPES pourraient être nombreux à être qualifiés pour le second tour des législatives. On n’a pas fini d’entendre « Jean Luc » pérorer le soir du premier tour... Mais, et c’est là que ça se complique, il y aura un second tour. Et pour avoir fait l’alliance des gauches dès le premier, les candidats de la NUPES pourraient se retrouver bien seuls au second.

C’est bien pourquoi pas une estimation ne donne à la NUPES la moindre chance d’obtenir la majorité absolue à l’Assemblée. La seule vraie incertitude est de savoir si Emmanuel Macron disposera ou pas de cette majorité absolue et, si oui, s’il en disposera seul (peu probable) ou en cumulant les sièges de ses partenaires de « Renaissance » (plus vraisemblable) lesquels ne manqueront pas de lui faire payer le prix politique de leur soutien. Donc, la NUPES obtiendra sans doute -et ce n’est déjà pas si mal- le titre de premier opposant parlementaire.

Et c’est là qu’arrive la deuxième limite de l’aventure mélenchonesque. Car nous avons tous entendu le raisonnement de Jean Luc dans ces législatives : c’est bien au Parlement que doit se déterminer la politique du gouvernement. Lui-même ne cesse de dire qu’en cas de victoire de la NUPES, c’est son programme et aucun autre qui devra s’appliquer. Dont acte.

Cela devrait donc signifier dans l’esprit de Mélenchon que si d’aventure Emmanuel Macron dispose le 19 juin au soir d’une majorité à l’Assemblée, ce sera très légitimement cette majorité qui déterminera la politique du gouvernement.

Or, dans cette hypothèse, pensez-vous sérieusement que Mélenchon et ses troupes reconnaîtront cette légitimité le 19 juin ? Pas le moins du monde ! Je vous fiche mon billet qu’après avoir inventé un 3eme tour politique de la présidentielle, Mélenchon en inventera un 4eme, social celui-là et promis pour la rentrée.

Là s’arrêtent les habiletés de Mélenchon : dans sa vision de la politique, lui -et lui seul- est en mesure de déterminer ce qui est bon pour le pays. Et il nous dira le 19 juin au soir l’exact contraire de ce qu’il nous aura raconté pendant des semaines.

Il le fera sans doute avec habileté…
 

Publié dans on en parle partout

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