Fin de cycle en Afrique

Publié le par Bernard LUSSET

Après le Mali et le Burkina, voilà la France jetée hors du Niger à l'issue d'un bras de fer diplomatique ingagnable de la part des autorités françaises, tant l'issue était certaine. A la décharge du Président de la République, il est sûrement plus compliqué de devoir assumer une piteuse fin de cycle historique qu’une période glorieuse de rayonnement.

Emmanuel Macron éprouve cette réalité cruelle au moment d'annoncer un nouveau recul de la présence française en Afrique, même si, pour être honnête, il n’est pas pour grand-chose dans le mouvement de l’histoire qui consacre ainsi la fin d’une période française en Afrique de l’Ouest.

Il faut même admettre que ce Président, né 15 ans après l’accession à l’indépendance des états ouest-africains, appartient à une génération totalement étrangère à la colonisation et la Françafrique. Mais il restera pourtant dans l’histoire comme le Président du reflux français contraint et penaud du Sahel, alors même que son prédécesseur honni, François Hollande, était accueilli 10 ans plus tôt en libérateur au Mali : un comble quand on connait la suite de l’histoire…

Emmanuel Macron a certainement perçu très tôt l’imminence de cette fin de cycle français en Afrique mais son style, qui voulait s’affranchir des méthodes anciennes, s’afficher résolument pro business et bousculer les conformismes s’est en réalité heurté à un univers dont il a manifestement sous-estimé les complexités. Le résultat en est que son action en Afrique restera marquée par le double sceau d’une insupportable arrogance et d’un grand écart permanent entre les principes assénés et les politiques menées.

Est-ce à dire que c’en est fini de la présence française en Afrique sous toutes ses formes ? Sans doute pas. Les enjeux sociaux, économiques, démographiques, environnementaux et stratégiques du continent sont trop importants pour toute la planète et plus particulièrement pour l'Europe pour s'en désintéresser. Mais les autorités françaises seraient bien inspirées de tenir compte de ces expériences malheureuses récentes pour mieux anticiper les évolutions à venir (*).

Emmanuel Macron a en outre judicieusement noué de nouvelles relations avec des pays non francophones du continent. Dans ces pays-là au moins, la France ne traine pas derrière elle le boulet de son passé colonial et les relations s’en trouvent allégées et laissent augurer des perspectives plutôt prometteuses.

Mais dans l’époque nouvelle qui s’ouvre, la France devra accepter les règles inédites d’une compétition dans laquelle elle devra affronter, outre son passé colonial, de redoutables concurrents (Chine, Russie, Turquie) et quelques "amis" incertains comme les États-Unis, sans pouvoir s’appuyer sur la complaisance de dirigeants locaux corrompus qu’elle a longtemps et parfois honteusement confortés.

Fin de cycle en Afrique.

 

(*) Un rapport de l'ONU du 26 août dernier constatait que "depuis le départ forcé de l'armée française du Mali, les groupes terroristes ont doublé la taille des territoires qu'ils contrôlent dans le pays". Le temps viendra où le malheureux peuple malien réalisera à quel point les putschistes se sont moqués de lui.

Quant à la junte burkinabe, elle doit faire face à une grogne grandissante au sein même de l'armée face au manque de résultats dans la lutte anti-djihadiste et à une gouvernance de plus en plus contestée.

 

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