Du mépris à la colère

Publié le par Bernard LUSSET

Je viens de terminer la lecture du livre écrit par Laurent Berger juste avant de quitter ses fonctions à la tête de la CFDT, opus intitulé "Du mépris à la colère" (Ed. Seuil). J'en recommande vraiment la lecture à tous ceux qui s'intéressent non seulement au monde du travail mais aussi plus largement à la gestion des affaires publiques.

Laurent Berger y apparait tel que j'imagine l'homme (que je n'ai jamais rencontré) : le discours est fait de mots simples mais il est charpenté par des convictions solidement étayées, empreintes d'un pragmatisme érigé en règle suprême. Sa lecture est agréable et rompt heureusement avec tous les livres-testamentaires pro domo que les dirigeants se croient obligés d'écrire, une fois retirés de la gestion des affaires publiques. Berger évite cet écueil.

Je retiens de cette lecture quelques observations que je me permets de partager ici.

Rendez-vous raté. Qui des électeurs de Macron en 2017 pouvait imaginer que ce jeune président exercerait son pouvoir avec une verticalité aussi aveugle ? Pas moi en tout cas. Cette vision de la gestion des affaires collectives ne pouvait pas trouver adversaire plus résolu que Laurent Berger. Ainsi leurs différences, qui auraient pu être un terreau des plus fertiles pour une action réformatrice forte, ont érigé entre eux deux une muraille qui n'aura pas été franchie. Dommage...

Et après ? Macron ne changera pas. Cela promet une fin de mandat d'autant plus compliquée que le style jupitérien s'accommodera mal de la lente mais inexorable perte d'influence qui caractérise toujours un dernier mandat et dont on perçoit déjà les prémices. Comme l'écrit Laurent Berger : "[Macron] est élu, il est légitime. Mais la légitimité, ce n'est pas seulement le vote, c'est ce qu'on fait du pouvoir qui nous est délégué. Comment on exerce ce pouvoir : avec les autres, dans les cadres fixés, en écoutant". 

Regarder lucidement les mutations en cours. Laurent Berger n'est pas un idéologue ; ou alors, son idéologie est celle du dialogue en toutes circonstances. Dans ce livre, conscient que le monde du travail de nos enfants n'est plus celui de nos parents, Berger prône sans angélisme pour que l'organisation du travail soit négociée, le dialogue professionnel encouragé, le management participatif mis en place et qu'une reconnaissance salariale s'instaure en tenant compte du partage des richesses. Et tout ça dans le dialogue.

Le boulet de la réforme des retraites. Même si ce n'est pas l'objet principal du livre, Laurent Berger y recense dans le détail les errements présidentiels, la succession d'arguments contradictoires avancés en faveur de la réforme, l'aveuglement élyséen devant la montée de l'incompréhension et de la colère, l'injustice du dispositif adopté contre tous les signaux envoyés. "La colère, je crains qu'elle perdure" prédit Berger.

Y croire encore. Ni amertume ni ressentiment chez Laurent Berger. Mais une conviction que seul le dialogue -qui commence par l'écoute- permettra d'opérer les mutations indispensables pour que chacun trouve sa juste place dans la société de demain. Au moment de quitter sa fonction de secrétaire général du plus grand syndicat de France (qu'il a contribué à faire grandir), Laurent Berger appelle au sursaut collectif.

Il mérite d'être entendu.

Publié dans on en parle partout

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