Jérôme Cahuzac : l'impossible retour
Personne n'est dupe. Même s'il le fait avec la prudence du chat qui trempe délicatement sa patte pour mesurer la température de l'eau, le retour de Jérôme Cahuzac sur ses terres lot-et-garonnaises d'élection, sa période d'inéligibilité tout juste achevée, est évidemment un ballon d'essai.
Le retour se voulait "discret" ? Il a été savamment mis en scène : réunion à Pujols au milieu de ce qui reste de ses soutiens de toujours, constitution d’une association d’amis, balade sur le marché de Villeneuve puis de Monsempron-Libos, réunion publique, déclarations à la presse. Oui : tout cela est bel et bien une tentative de retour en politique.
Jérôme Cahuzac en a-t-il le droit ? Il a été jugé pour fraude fiscale, condamné pour cela et a purgé la peine correspondante. Tout homme dans une telle situation retrouve la plénitude de ses droits de citoyen : hors de ce précepte, il ne saurait y avoir de justice. Mais le droit ne saurait suffire à définir seul nos règles de vie collective.
Le Code pénal ne prévoit pas de sanction pour les responsables politiques qui servent des mensonges éhontés, répétés, publics et finalement assez piteux comme ceux que Jérôme Cahuzac, Ministre du Budget, a successivement servi au Président de la République et au Premier Ministre qui l'avaient nommé, aux députés de l'Assemblée nationale, aux médias et, à travers tout ce beau monde, aux Français, et plus particulièrement à ceux qui lui avaient permis cette carrière politique : les électeurs du Villeneuvois.
Il n'y a pas de qualification criminelle pour cela. Mais pour ceux qui tiennent à la dignité d'un parcours de vie publique, il y a un code de l'honneur. Et au regard de ce code, Jérôme Cahuzac a été un des fossoyeurs les plus efficaces de la parole des politiques dans ce pays, une parole publique déconsidérée comme rarement elle l’avait été auparavant.
Parce qu'ils sont dépositaires de la confiance de leurs compatriotes, les responsables publics doivent répondre à des standards éthiques supérieurs aux autres citoyens
C’est dire si le retour en politique de Jérôme Cahuzac relèverait de l'impossible, de l'inconcevable et, pour tout dire, de l'indigne. Je le dis depuis longtemps (et beaucoup d'autres avec moi) : les responsables publics doivent répondre à des standards éthiques supérieurs aux autres citoyens, justement parce qu’ils sont les dépositaires de la confiance de leurs compatriotes. Double peine ? Peut-être bien : ce n'est pas injuste.
Redevenu un citoyen à part entière, Jérôme Cahuzac peut exercer tous ses talents, pratiquer toutes les activités, se rendre où bon lui semble, y compris en Villeneuvois, comme n’importe qui. Mais jamais, plus jamais, solliciter une responsabilité publique. Oser cette tentative de retour serait porter un nouveau coup (de grâce ?) à l’action politique et ceux qui l’exercent, comme une sorte de bras d’honneur particulièrement peu honorable.
S'il fallait rassurer Jérôme Cahuzac, ajoutons ceci : le Lot-et-Garonne compte dans les générations nouvelles suffisamment d’hommes et de femmes de talent, de toutes sensibilités, pour s’investir utilement au service de leur territoire ; il n'est nul besoin qu’on leur joue l’éternel retour de gloires du passé qui se croient indispensables. Et qu'on ne nous fasse pas le coup du suffrage universel "seul juge démocratique" qui vaille : il a bon dos...
Si l’action publique conserve aux yeux de Jérôme Cahuzac quelque intérêt, qu’il s’abstienne et jouisse d’une paisible retraite. C'est le meilleur service qu'il peut rendre aux électeurs qui lui ont, un temps, accordé leur confiance.