Remaniement

Publié le par Bernard LUSSET

Il aura suffit que le premier Conseil des Ministres de l'année soit décalé de 8 jours pour que le flot des rumeurs submerge les cabinets ministériels puis les rédactions : Emmanuel Macron préparerait un remaniement de "grande ampleur". Il est amusant depuis lors d'écouter les commentateurs de tous poils qui y vont de leurs prophéties enflammées, dans une indifférence assez générale des Français qui en dit long sur ce qu'ils en attendent : pas grand chose.

Y aura-t-il remaniement ? Un seul pourra(it) le dire : le Président de la République lui-même. On nous répète à qui mieux-mieux qu'il ne "supporterait plus" sa première Ministre, qu'il serait englué dans un mandat présidentiel qui n'a jamais vraiment démarré et qu'il ressentirait le besoin impérieux d'un "nouvel élan". Il est vrai que depuis sa réélection de 2022 et les législatives qui ont suivi, Emmanuel Macron semble avoir assez largement perdu la main, ce qui nourrit sans doute chez lui une profonde crispation. Pour autant, changera-t-il son équipe gouvernementale ? A cette heure, rien n'est moins sûr.

Changer de premier Ministre ? Il faut se souvenir des conditions de la nomination d'Elisabeth Borne : le Président avait choisi le successeur de Jean Castex. Ce serait Catherine Vautrin. Il l'avait reçue, Jean Castex l'avait briffée. Même Brigitte Macron y était allée de son rendez-vous avec la future première Ministre. Et puis patatras ! Sous la pression de ses amis (lesquels au juste ?), voilà Emmanuel Macron désignant Elisabeth Borne ! Inconstance adolescente ou habileté suprême ? Je l'ignore. Mais voilà qui devrait inviter les commentateurs à une prudence renouvelée cette fois-ci.

Qui est usé ? Chacun le sent bien : c'est moins Elisabeth Borne qui est usée que le Président lui-même. Il est donc probable que le changement de premier Ministre n'impulsera pas ce nouvel élan que recherche le Président. Il reste donc un peu plus de trois ans à tenir pour ce Président jupitérien qui veut ne rien déléguer et décider de tout. Si les Ministres sont usés dans ce système, c'est plus par manque d'espace politique que toute autre chose. Les changer s'avèrera sans doute sans effet.

Pas la fin du "en même temps". J'entends dire ici ou là que le marasme actuel signerait la fin du "en même temps" présidentiel. Je n'en crois rien. Car le "en même temps", c'est vouloir dépasser les clivages partisans. Or, le nombre de Français militants dans un parti ne cesse de s'effondrer et, à part ces quelques dizaines de milliers de citoyens engagés, il n'y a plus grand monde pour croire au succès d'une alternance, d'où qu'elle vienne. Dépasser les clivages partisans pour s'entendre sur un programme d'action reste sinon le meilleur, du moins le seul chemin républicain raisonnable et efficace. Encore faut-il que notre classe politique, Président compris, en veuille. Ce n'est pas gagné.

La course à l'échalote. A part Aurélien Rousseau, éphémère et discret Ministre de la Santé qui a eu le courage de marquer son désaccord politique en démissionnant, on sent bien que les Ministres actuels ou putatifs sont surtout préoccupés par la place qu'ils pourraient occuper ou non dans le prochain gouvernement. A l'image de l'appel assez pitoyable de Clément Beaune qui, après avoir tenté de marquer sa différence, est sagement rentré dans le rang et a même clairement fait acte de candidature dans la presse pour rester au gouvernement.

Le dernier mot. Il reste donc naturellement au Président. Lequel, durant quelques jours, aura eu l'illusion d'être de nouveau au centre du jeu. Or la réalité me semble bien différente : le compte à rebours de son départ en 2027 a bel et bien commencé et l'absence d'une majorité absolue à l'Assemblée, réalité inconfortable mais incontournable, devrait le contraindre à une gouvernance radicalement nouvelle. Il lui faudrait prendre conscience et accepter ce nouvel environnement et consacrer le temps qui lui reste à être utile au pays.

S'il n'est pas trop tard, c'est le seul moyen encore disponible pour barrer la route aux populistes de tous poils qui se préparent pour 2027.

Publié dans on en parle partout

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S
Bonjour Bernard,<br /> D'abord mes voeux sincères et amicaux pour une heureuse année 2024 entre Sénégal et France pour toi et tes proches.<br /> J'ai lu ton article toujours plein de bon sens face à une action politique plus encline à s'intéresser aux postes à pourvoir dans l'immédiat que de considérer les enjeux moyens et long termes pourtant bien plus essentiels pour notre pays.<br /> Je crois que cette situation d'inconfort politique s'explique en effet par la personnalité du Président incompatible avec le contexte institutionnel de la 5ème République.<br /> En effet raussi brillant que puisse être Emmanuel Macron (intelligence, connaissance des dossiers, ...) un Président de la République ne peut vraiment bien fonctionner que s'il est porté par un mouvement partisan sous-jacent à son projet et aux actions qui en résultent. Or Renaissance n'est rien d'un point de vue partisan sinon un mouvement quelque peu ectoplasmique qui, notamment au Parlement, à montrer ses limites ...<br /> Le temps est donc venu, voir en anticipant l'élection présidentielle de 2027 dans la méthode et non l'échéance, de réfléchir à une coalition gouvernementale du Centre aux Républicains : les réformes à venir doivent être de mon point de vue préparées sur ces bases ...<br /> Amitié<br /> Denis
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