Sénégal : pour y voir plus clair (suite & fin)

Publié le par Bernard LUSSET

Je reprends ici ma chronique d'avant-hier dernier consacrée aux évènements politiques au Sénégal. En effet, en 48 heures, il s'en est passé des choses ! Dans le même esprit que précédemment, j'essaie apporter ici des éléments de compréhension à ceux qui s'intéressent au sujet. BL

Le Conseil constitutionnel droit dans ses bottes. Au lendemain du "Dialogue national" réuni par Macky Sall à Diamnadio dans la banlieue de Dakar, le Président de la République avait annoncé saisir le Conseil constitutionnel (CC) sur les trois propositions issues du Dialogue : le choix de la date du 2 juin pour organiser le premier tour de l'élection présidentielle, le vœu de reprendre le processus à zéro pour permettre d'y intégrer le cas échéant des candidats injustement écartés (Karim Wade notamment) et le souhait de voir Macky Sall demeurer à son poste jusqu'à l'issue de l'élection, c'est-à-dire un peu plus de 2 mois au-delà du terme constitutionnel de son mandat. 

48 heures à peine après la saisine officielle, de premières informations fuitaient dans la presse : le journal sénégalais "l'Enquête", réputé pour son sérieux, titrait le 6 mars : "Le Conseil déchire le "consensus de Diamnadio". Le soir même, l'information était confirmée : le Conseil a maintenu la date constitutionnelle du départ de Macky le 2 avril et demandé la poursuite normale du scrutin avant cette date, en ne retenant que les candidats déjà validés par lui, comme on pourra le lire dans la décision en fin de chronique.

La date de l'élection (enfin) connue ? Prenant acte de cette décision du CC, le Président a réuni en urgence le Conseil des Ministres le lendemain mercredi. Le communiqué officiel de sortie du Conseil dit ceci : 

"Après la transmission le même jour au Conseil constitutionnel d’une saisine, pour avis, sur les conclusions, recommandations et propositions du Dialogue national portant sur : (i) la fixation de la date de l’élection présidentielle ; (ii) l’examen éventuel des candidatures à l’élection présidentielle ; (iii) les dispositions à prendre à l’expiration du mandat du Président de la République, le 02 avril 2024, le Chef de l’Etat a pris acte de la décision n° 60/E/2024 du Conseil constitutionnel du 5 mars 2024 .

Le Président de la République a informé le Conseil des Ministres de la fixation de la date de l’élection présidentielle au dimanche 24 mars 2024."

On pensait donc que la date de l'élection était enfin fixée. Mais...

31 mars ? Parallèlement à la saisine du CC par le Président de la République, les candidats officiellement retenus pour l'élection avaient eux aussi saisi le CC pour dénoncer le fait qu'aucune date de scrutin n'avait encore été fixée par le Président, en dépit des injonctions précédentes du CC. Le 6 mars au soir, les juges constitutionnels ont donc rendu une seconde décision en réponse, elle aussi consultable en fin de chronique. Le juge constitutionnel y explique que "pour pallier l'inertie des pouvoirs publics" (sic !) la date de l'élection présidentielle est fixée au 31 mars. Le Sénégal s'est donc réveillé le 7 mars au matin avec... deux dates d'élection présidentielle ! 

Amnistie. Dans cette même journée du 6 mars, l'Assemblée nationale a examiné le projet de loi d'amnistie présenté par le Président. Ce texte a été voté assez largement, malgré le refus des députés de l'ex-PASTEF (Sonko) pour les raisons évoquées dans ma chronique précédente et cela, bien que leurs deux principaux leaders soient susceptibles de pouvoir en bénéficier. Cette loi, qui ne couvre que les faits liés aux évènements politiques de ces deux dernières années, permet ainsi de blanchir tous les acteurs, côté manifestants comme côté forces de l'ordre et ceux qui les ont commandé durant cette période, gouvernement et Président compris.

Fin du suspens : élection le 24 mars. Finalement, par un communiqué publié dans la journée du 7 mars (voir ci-contre), les juges constitutionnels ont confirmé la date du 24 mars indiquée la veille par le Président. Le CC a expliqué qu'il n'avait fixé la date du 31 mars qu'en raison du retard mis par le Président à le faire lui-même. La date du 24 mars respectant les dispositions de la Constitution, le CC l'a validée, mettant un terme à un feuilleton qui commençait à lasser, voire exaspérer les Sénégalais.

Dans une décision précédente, le CC avait déjà indiqué qu'en cas de second tour qui se déroulerait au-delà du 2 avril, terme constitutionnel du mandat de Macky Sall, il n'y aurait aucune difficulté juridique à ce que le Président sortant demeure en fonction pendant les quelques jours séparant les deux tours. Sauf si Macky Sall décidait de démissionner juste avant le terme de son mandat : dans ce cas, la Constitution prévoit que c'est le Président de l'Assemblée nationale qui assurerait alors ce court intérim et accueillerait le nouveau Président élu.

Les Sénégalais voteront donc le 24 mars prochain pour désigner leur Président : l'avenir leur appartient.

Sénégal : pour y voir plus clair (suite & fin)

Publié dans on en parle en Afrique

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