De la constance en politique

Publié le par Bernard LUSSET

J'ai suivi à distance l'inauguration du pont de Camelat à Agen qui semble avoir été une grande et belle fête populaire pour accompagner l'avènement d'un équipement structurant comme le pays agenais n'en avait pas connu depuis longtemps. J'ai hâte de l'emprunter cet été. Au-delà des heureux changements que ce pont va permettre dans la vie quotidienne des Lot-et-Garonnais, cette réalisation délivre, me semble-t-il, quelques enseignements qui méritent qu'on s'y arrête un peu. Il est ici question de constance en politique.

Je peux le dire ici puisque Jean Dionis lui-même y a fait référence dans son discours inaugural : lorsque constatant les blocages divers qui empêchaient de réaliser enfin Camélat, Jean Dionis a proposé que l'Agglomération prenne la maîtrise d'ouvrage de ce projet, je n'étais pas très chaud. C'est peu de le dire ! Je soutenais presque (*) sans réserve la réalisation de ce pont dont je mesurais pleinement l'utilité mais l'idée de voir l'Agglomération se lancer ainsi dans cette aventure sans que le plan de financement ne soit bouclé suscitait chez moi de réelles inquiétudes. J'étais alors en charge des finances de l'agglo et la perspective, en effet, m'inquiétait beaucoup.

Jean était persuadé de convaincre la région Nouvelle Aquitaine de participer au financement de Camelat. Il a eu tort et a surestimé ses forces : Rousset est resté ferme dans un refus qui ne l'honore certes pas mais qui s'impose à tous. Jean pensait ensuite trouver auprès de l'Etat une aide secourable : il a eu raison (merci Thibaud de Cacqueray et Jean Castex). Au final, Camelat pèsera longtemps dans les comptes de l'Agglomération mais si les élus communautaires acceptent une indispensable et durable modération budgétaire, ce coût sera supportable. 

Il aura donc fallu l'incroyable constance de Jean Dionis pour que ce projet voit le jour et j'imagine aisément la satisfaction personnelle qu'il a du ressentir samedi dernier. 

Je l'ai vu manifester la même constance et la même détermination au moment de lancer le parc de Passeligne. Comme je l'ai déjà raconté ici en 2013, j'étais au début très dubitatif face à ce projet de parc urbain à 3 minutes de la campagne dont je ne mesurais pas l'utilité. La suite a prouvé et prouve encore aujourd'hui combien je manque parfois de vision d'avenir ! Là encore, sans la constance de Jean, ce parc n'aurait jamais vu le jour.

Quel enseignement tirer de ça ? Que Jean Dionis a toujours raison d'être déterminé ? Certes pas : lui aussi, il se trompe parfois et il y a même un vrai risque à ce que ces deux exemples réussis (parmi d’autres) entretiennent l'illusion qu'il aurait toujours raison contre tous. Donc, la constance impose aussi la prudence et l'écoute des autres. Mais au moment où les premiers véhicules franchissent Garonne à Camelat, ne boudons ni notre plaisir ni notre reconnaissance : merci Jean !

***

(*) "Je soutenais presque sans réserve la réalisation de ce pont" ai-je écrit plus haut. Comme l'a annoncé Jean Dionis, le pont de Camelat aura dans quelques années un petit frère : le pont ferroviaire qui reliera la gare d'Agen à la gare TGV de Brax, pont sans lequel la ville d'Agen n'aurait jamais accepté que sa gare de centre-ville ne soit plus desservie à terme par le TGV. Ma réserve ? Quel dommage que ces deux ponts à Camelat n'aient pas été consolidés.

Je sais bien tout ce qui s'y oppose : l'administration des deux projets, leurs modes de financement spécifiques, leurs calendriers respectifs, les contraintes techniques propres à chaque projet, etc... On m'a dit ça 100 fois. Mais jumeler les deux ponts était-il réellement un pari impossible ? N'y avait-il vraiment rien de mutualisable entre les deux projets ? Personne n'a réellement essayé de surmonter les insondables rigidités de la SNCF.
Je sucrerai sans doute les fraises à ce moment-là mais je suis sûr que les générations futures qui constateront cette cohabitation inédite des deux ponts ne manqueront pas de penser que leurs devanciers n'ont pas été très dégourdis de réaliser ainsi, à quelques mètres et à quelques années d'intervalle, deux ponts séparés sur Garonne. Pas de quoi doucher aujourd'hui le plaisir de voir le pont routier de Camelat enfin ouvert, mais un sacré regret quand même...

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